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Hélène Tysman

QU'EST-CE QU'UN VIRTUOSE ?

Dans son étymologie, le mot virtuose vient de l’italien virtu signifiant énergie, qualité, et de virtus signifiant compétence, virilité. S’y ajoutent également le terme français vir de virilité et de vertu, ainsi que virtutem : la bravoure, le courage, la vaillance.


En retrouvant la racine de ce mot, je réalise donc que « virtuose » fait référence aux énergies, à la capacité et au courage.


Or l'association de ces trois aspects me rappelle clairement la quête de tout samouraï : un alliage parfait du cœur (courage), de l’esprit (capacité) et du corps (énergie).

Le mot « virtuose » aurait-il alors, comme beaucoup d’autres mots, été détourné de son véritable sens d’origine ? D’une définition subtile d’un art, celui d’être, il s'en serait allé à l’étiquette un peu rapide d’une habilité de performance...


Pourtant le virtuose n’a rien d’un sportif.


MAÎTRISE VERSUS CONTRÔLE


À l’école nous apprenons à compter, à lire, à analyser. Nous nous familiarisons avec des mesures. Grandes, petites. Mais à quel moment nous intéressons-nous au tout premier mécanisme qui permet à notre cerveau d’appréhender notre monde et à notre coeur d'alchimiser nos émotions ou à notre corps de répondre à ses véritables élans ? À quel moment nous intéressons-nous tout simplement à COMMENT fonctionne cet organisme à qui l’on donne tant d’informations, à qui l’on exige d’en fournir d’autres et à qui surtout l’on reproche si souvent de n’être jamais ce que l’on attendrait de lui…


Pourtant, sans être maître de son tout premier instrument, soi-même, impossible d’aller bien loin. Au mieux l’on sera dépendant d’une technique extérieure, ces palliatifs à notre ignorance, par de savantes machines calculatrices, ordinateurs et autres technologies nous rappelant de croire à notre petitesse. Au pire, l’on sombrera dans un désespoir sans fond…


Ce serait oublier la toute première des technologies : la nôtre. Singulière, complexe. Infinie.


Un Stradivarius semble de mauvaise qualité tant que l'on ne sait pas jouer du violon. Voilà le sens de ce que j'appelle "la maîtrise".


Alors qu'en est-il de la connaissance de votre instrument ?


Lorsque nous nous sentons dépassés par l’incompréhension de notre propre système, un réflexe s’enclenche, bien naturel : celui de vouloir tout contrôler. Normal : l’insécurité renforce le désir de contrôle.


Et quoi de plus impossible à contrôler que le monde ? Que la vie ?


Voudrait-on contrôler la pousse d'une herbe, la tige d'une fleur, que l'on finirait toujours par en ressentir d'avantage de frustration. Or, comme les cordes trop tendues d'un instrument, un esprit constamment frustré sonne avec agressivité.


Et l’on peut bien apprendre la fameuse confiance en soi ou rechercher toutes les techniques d’apaisement qui existent sur le marché. Tant que l’on n’est pas devenu maître de son tout premier instrument - soi-même - cela semble caduque.


Le contrôle contracte les muscles. La maîtrise ouvre l'espace.


Plus l’on connaît un terrain, plus il est facile d’y faire pousser une culture abondance. Moins on le connait, moins il sera facile d'y arriver.


Les plus spirituels transposeraient le mot "connaître" par "aimer". Aussi simple que cela. Parce qu'au fond je crois que le plus grand des virtuoses est celui qui aime, qui aime véritablement chaque note, même quand la joie semble un peu lourde, même quand le coeur pourrait se décourager... Aimer encore plus. La véritable, l'unique discipline du virtuose, c'est celle qui lui permet de ré-accorder son instrument en permanence jusqu'à trouver la vibration juste, peu importe la situation. Pour continuer de vibrer.


Aimer, aimer d’avantage, c’est poser une attention particulière qui permette à chacun de ses muscles de se détendre, et à la conscience de se déployer. Ce que l'on appelle le flow ou l'inspiration. Cet état de concentration qui utilise savamment toutes les ressources de notre énergie dans une direction bien précise. N’est-ce pas là un point de départ à ce que l'on nomme maitrise ? Celle du virtuose ?


Car un virtuose, ce n’est pas un fonctionnaire alignant des heures de bureau. C'est un « tout-terrain », faisant et re-faisant, par empirisme. En ratant puis réessayant. En affinant, c’est -à-dire en utilisant toujours d’avantage sa sensibilité pour renforcer sa puissance.


Lorsque j'entends parler de gérer ses émotions, je pense plutôt à les laisser digérer. Et même au-delà, lorsque l'on croit encore devoir trier ou filtrer ses pensées, je crois au contraire qu'aucune pensée ne présente un quelconque problème en soi. C'est ma relation à cette pensée qui décidera si cette dernière a du pouvoir et celui de me rendre heureux ou malheureux. Au fond, j'aime cet adage : "ne croyez pas toutes vos pensées !"


Le tyran voudrait annihiler certaines pensées. Le virtuose est capable de les embrasser pour, comme Merlin le magicien, les alchimiser.


ÊTRE SON PROPRE BOSS


Alors, être virtuose de soi-même, c'est savoir laisser résonner quand il le faut, et s'accaparer de sa technique quand c'est le moment. Parfois contracté, d'autres fois décontracté. Selon la mesure et la partition, tantôt digérant des émotions, tantôt transgressant ses pensées...


Le virtuose est un chef d'entreprise qui est sollicité à chaque instant pour prendre une décision, en fonction de son art. De son être. Plus rapide que sa tête, la décision peut être prise instinctivement, par le corps ou intuitivement, par le coeur. Tant que le terrain est dans un éco-système favorable, ces élans seront favorables. les tortures de l'esprit commencent là où la congruence fait défaut...


Ainsi la maîtrise est au fond un immense archivage propre à chacun pour lui rendre service dans son action comme dans son être. Elle est le soin mis à son jardinage quotidien plutôt qu'à ses actes de bravoure.


Finalement le virtuose nous dit de croire d'avantage à la cohérence qu’au contrôle, à la connaissance qu’à la répression.


DANS LES MÉANDRES DE NOTRE CERVEAU


Aujourd’hui où l’on sait à quel point notre cerveau nous joue des tours, comment croire encore seulement ce que l’on voit ? Mais comment s’y retrouver si l’on doute de tout ?


Existe là où va mon attention, mon énergie, ma conscience, nous dit la science quantique et la neuroscience.


Le cerveau transpose des vibrations en informations triées selon les codes que nous avons mis en place, consciemment ou, le plus souvent, inconsciemment.


En discernant les ombres de ce qui est, vraiment, me voilà véritablement habile. Habile du subtile. Habile de la mécanique de mes émotions et maître dans les lois qui régissent mon organisme.


ÊTRE À SON DIAPASON


La virtuosité serait alors une forme de pleine conscience ?


Être conscient de ses harmonies, de son rythme propre et de ses accords, n'est-il pas la plus sûre manière d'être le meilleur compagnon ou compagne de soi-même ?


Pour accorder un instrument il est une seule nécessité : celle d'écouter. Écouter pour pouvoir, au fur et à mesure ajuster et réajuster.


Impossible d'exceller sur un violon désaccordé, même avec la plus performante technique du monde.


Un jour, découragé d'entendre un son qui ne nous plait pas, ce son-là est notre sauveur : il exige notre attention pour se ré-approprier notre instrument.


La fausseté n'est pas celle que l'on croit. Beethoven disait que la véritable faute n'était pas une fausse note mais l'absence de musique. Or quelle est votre musique ?


Finalement, le virtuose se rapprocherait d'avantage du bon sens paysan dont parlait Milton Erickson, ce virtuose de l'hypnose, c'est-à-dire des mécaniques de notre conscience, que d'une sophistication à outrance croyant devoir échapper à ce que nous nomme : le mystère et le miracle chaque jour renouvelés.


Être ce que nous sommes, vraiment, est la plus haute des virtuosités !


Du bout des doigts et jusqu'aux profondeurs de l'âme,

Je vous souhaite un merveilleux mois d'août,

Inspiré par la virtuosité qui est la vôtre,

La musique de votre coeur !


Hélène Tysman



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