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BACH

PRISME

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Prisme, ce sont les infinies facettes d’une réalité que nous créons ou goûtons à chaque instant. Comme une partition, la vie nous amène à réaliser l’interprète que nous sommes. Être et le devenir ! Voilà toute évolution. La musique de Bach représente selon moi l’essence même de cette rencontre entre perfection et spontanéité, entre création et recréation (ou récréation !), entre fulgurance, liberté et géométries savantes. Toute vérité, loin d’être sérieuse, est peut-être un mouvement de danse, au contraire. L’improvisation était l’apanage des musiciens de l’ère baroque. C’est par ce prisme et tous les autres qui me sont apparus (ornementations, variations, clavecin, piano, orchestre…) que j’ai souhaité rendre ce programme, comme un voyage aux origines de qui nous sommes – humblement et éternellement actuel : celui qui, ayant cru savoir, continu de chercher. Et si l’infini était un jeu ?

Hélène TYSMAN

Prisme, vu par l'écrivain Stéphane Barsacq :

Comment ne pas songer au propos du poète Philippe Jaccottet sur Jean-Sébastien Bach lorsqu’Hélène Tysman l’interprète ? « Les mouvements rapides avancent comme à la conquête d’une forteresse, ou d’un ciel – un peu comme les alouettes de la Lane m’ont paru vouloir le soulever, dans une jubilation contagieuse. Pourrait-on dire que l’esprit qui écoute avance à son tour vers quelque chose, et que ce quelque chose, paradoxalement, est dans la marche elle-même ? Il s’agirait alors d’une chasse où la prise se confondrait avec la poursuite. »

 

De morceau en morceau, et sur tous les modes, la pianiste rend au cantor ses nuances les plus fines :

« l’architecture de nos fragilités » (Cioran), autant que « l’arc-en-ciel des voix d’anges et d’âmes » (Jean-Paul de Dadelsen).  Soucieuse de consacrer sa vie à la vie, la pianiste possède à plein le hautbois de Noël, la trompette de Pâques, mais aussi la légèreté de la neige ou la rapidité de la pluie. Elle semble ne rien ignorer des floraisons du monde spirituel ou physique. Elle fait entendre ce que cette musique possède d’entièreté, soit le contraire du totalitarisme : elle tient par passion et compassion tous les fils de l’univers qui se répondent et jouent les uns avec les autres. Elle sait que la musique est l’envers d’un silence sur le mode du chant. Ici, tout est dialogue : la science est une improvisation suprême ; la mélodie, harmonie : la réflexion, illumination ; alors, sous l’apparence d’un ordre libre quelque chose se plie et se déplie comme une grande aile blanche. L’extase répond à une tragédie qu’elle transfigure.

Hélène Tysman a toutes les voix ; et le son unique de l'orchestre est le timbre de la sienne : elle fait harmonie de toutes. Il n'y a rien de si multiple et si un. Son jeu est une symphonie immense. La pianiste sait que la musique de Bach est une traduction de toutes les musiques qu’elle résume, comme elle traduit une autre musique, autrefois appelée musique des sphères, où il s’agit d’entendre résonner le cœur du monde. Ecoutez-la dans ces morceaux qui sont autant d’Iliade et d’Odyssées, autant des gloses de la Bible que des Evangiles : ici et là, comme Dieu, selon Spinoza, les formes heureuses ne cessent de jouir d’elle-même, fût-ce dans l’extrême douleur.  Brève, forte, précise, tendue à l'excès et d'une trempe ferme, Hélène Tysman abonde en ellipses, en raccourcis rapides ; mais elle est aussi claire et aussi harmonieuse que Bach peut l'être.

 

La musicienne vient de loin, très loin pour fixer l’éternité et montrer l’instant. Tout n'est peut-être rien : elle n'en crée pas moins une foi. Une grande œuvre d'art est une vérité qui a sa preuve : elle croit et fait croire en elle. Tout l’art de l’interprète est de le révéler. Ce disque, Hélène Tysman l’a conçu comme une confession : non pas une confidence seulement, mais l’aveu d’un amour pour la vie, - la volute ascendante d’un souffle qui rend aimant.

 

Stéphane BARSACQ

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