QU'EST-CE QUE LA PERFECTION ?
EN QUÊTE DE VÉRITÉ
Longtemps je me suis réveillée de bonne heure ! Dans cette maison de musiciens où je grandissais, ma mère passait, incognito, la nuit, pour éteindre nos alarmes de réveil montés chaque fois plus tôt afin d'être sûrs de bondir au piano avant les autres, entre ma soeur, mon père et moi... Faire résonner les premières notes était une satisfaction, celle de prendre un peu d'avance. Comme s'il fallait bien ce petit temps en plus - cette grande illusion ! - pour espérer toucher, un jour, à une certaine maîtrise de l'instrument, cette idée de perfection, ne serait-ce que sur une ligne d'un passage d'une oeuvre de musique. Ressentir ce frisson de grâce.
Pourtant, cet état n'est jamais venu en l'invoquant par la volonté. Tant de fois j'ai voulu à tout prix le dompter, l'avoir dans ma poche pour le sortir quand bon me semblait. Mais c'est tout autre chose qui se produisait ! Il ne venait que lorsque cela lui chantait, souvent aux instants les plus inattendus, les plus déconcertants... Et s'absentait bien volontiers lorsque j'oeuvrais pourtant en croyant bien faire. Combien de découragements, de désillusions, de désespoirs !
Comme un baiser vous surprend, à la dérobade ou comme l'amour qui surgit à la façon d'une explosion dans le coeur, l'état de grâce ne demande aucune autorisation ni ne s'encombre d'aucune obligation pour venir à l'impromptu visiter votre espace...
UNE CERTAINE IDÉE DE LA PERFECTION...
On ne peut être artiste - quelqu'en soit notre domaine : sportif, artisan, créateur, entrepreneur... - sans se questionner un jour bien au-delà de ses réalisations.
L'on dit que la science sans conscience n'est que ruine de l'âme. J'aime à dire qu'il en est de même pour l'art qui, sans conscience, n'en mène pas beaucoup plus large et risque vite à se répéter dans une recherche devenue stérile même avec la meilleure intention du monde.
Comme un chercheur scientifique, séparer l'humain de son art au nom d'une quête de perfection, c'est vouloir contrôler ce qui nous dépasse. La perfection, en cela, n’est pas la rage de vaincre, c’est le désespoir de l’inachevé.
Alors prendre conscience de la conscience, c'est déjà accepter que rien dans ce domaine ne fonctionne comme dans nos habitudes. La compréhension ne se saisit pas. La grâce n'est pas un privilège. Le temps, lui, s'y dérobe...
Comment s'intéresser à la perfection sans, un jour, glisser, forcément, à force de s'être penché sur le précipice, dans un vaste trou noir ? Un néant... En glissant, l'on perd le sens de la gravité. Au sens propre comme au figuré ! On découvre que la légèreté, c'est parfois avoir les pieds bien ancrés dans la terre, être présent dans son corps, ici et maintenant. Que l'infini n'a d'existence qu'en nous. Et qu'enfin, tout ce que l'on prenait pour "beau" ou "parfait" n'était pas toujours vrai...
L'illusion des écrans nous titille comme notre plus grand mentor ! À chaque instant où je m'identifie à une réussite autant qu'à un échec, à chaque instant où j'étiquette un jugement, quelqu'il soit, à ce que je suis vraiment, je m'éloigne de la réalité.
C'est en voyageant à l'intérieur de ma conscience que j'ai découvert un autre chemin. Celui des maîtres d'arts martiaux lorsqu'ils affinent leur geste, non pas au nom d'une perfection mais d'une vérité dans ce trialogue corps - coeur - esprit.
LA VRAIE DISCIPLINE
Lorsqu’on demandait au Dalaï Lama ce qu’était l’amour, il répondait : « l’absence de jugement ». Comment oublier ces heures où l’on est soi-même son pire tribunal face à chaque note entre ce qu’elle est et ce qu’elle pourrait être ? Observant nos traits du visage, notre corps et jusqu'à nos actions... quel souffle y offrons-nous ? Et, comme j'aime à dire, à partir de quel moment sommes-nous prêts à cesser d'attendre le moment suivant ? Celui qui serait la clef de toute perfection de vie, ce fameux "après", cet instant sous conditions...
Voilà, au fond, la plus grande discipline de toute vie, je crois. Tendre vers, puis relâcher. Comme un arc et une flèche pointant une cible, vouloir calculer par la tête l'angle en rapport à la vitesse fois la distance, devient vite insensé. Le corps et le coeur finissent par s'absenter. Nous n'avons plus conscience...
En observant certains artistes comme Daniel Barenboim pour tenter de comprendre leurs mécanismes, en-dehors de toute facilité innée, j'observais lors de mon passage à Vienne, qu'il jouait chaque note, en séance de travail ou en public, comme la chose la plus importante à cet instant-là de sa vie. Toute son âme, toute son énergie se focalisent alors sur cet objet. Puis la minute d'après, une autre éternité s'ouvre à lui. N'est-ce pas cet interstice entre le sage et l'enfant que nous avons tous été et qui sommeille en nous ?
Ironiquement je trouve que notre période actuelle vient, plus que jamais, nous offrir cette évolution. À travers ce nom hautement symbolique de co-vide, nous prenons conscience de ce qui fait alliance avec notre propre vide dont nous sommes fait à 99,99% selon les dernières découvertes scientifiques sur la nature de l'atome. N'être rien, c'est pouvoir être tout. Mais il n'est pas dans nos habitudes d'embrasser ce rien que nous sommes ! Notre mental, au contraire, est un sportif du remplissage. Et paradoxalement il nous rapetisse, nous restreint. C'est là la porte de nos illusions qui, une fois découvertes, nous ouvrent vers un monde plus grand, un horizon sans fin.
Le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas, n'est-ce pas ? Comme un écho, le dernier chakra, le septième de notre être qui amène vers la pleine conscience, en haut du crâne, s'appelle le chakra couronne... ce sacré corona !
AU-DELÀ DE L'ILLUSION
Ces derniers jours je me sentais pleine de lassitude. Mon compte instagram avait été bloqué pour des raisons absurdes et je me voyais déjà penser intérieurement à combien j'avais pris soin de poster de belles publications en photos et en mots sur la musique, l'art et l'hypnose, tous ces derniers temps pour cela finisse, finalement, dans le néant ! Rage et désespoir ! Pourtant je voyais très exactement l'identification qui se jouait, l'attachement et l'illusion de tout cela qui me rendait malheureuse. La nuit, les rêves sont venus m'enseigner. Le rêve libère, il guérit. Du moins est-ce à cet endroit pour moi que beaucoup de choses se révèlent. Pour la première fois j'ai ressenti une sensation extraordinaire dans mon corps ce matin ! Une explosion d'amour dans le coeur ! En me réveillant, j'ai alors senti que la vraie compréhension, lorsqu'elle surgit dans le coeur, n'a aucun mot pour la définir. Qu'il n'y a aucune frontière entre comprendre et aimer lorsque cela n'a rien à voir avec le mental. C'est un sentiment de bonheur et de complétude. Carl Jung disait de ne pas chercher à être parfait mais à être complet.
Alors, naturellement, j'ai créé un nouveau compte instagram et ai découvert que ce qui me mettait en joie n'avait rien à voir avec le nombre d'abonnés ou l'apparence de la page mais la possibilité, toujours renouvelée, d'offrir sa vibration au monde. Recommencer, comme un pianiste face à son clavier, ce n'est jamais pareil, c'est toujours un renouvellement.