Un professeur d'orchestration me sortit un jour de cours au conservatoire de Paris, depuis son air bougon que je lui connaissais, et à propos de l'idée des concerts devant un public : "se foutre à poil sur scène, très peu pour moi !"
Je me suis souvent demandée dans quelle mesure un musicien se dévoilait ou combien le spectateur était capable de "voir", c'est-à-dire percevoir au plus profond de l'artiste.
Souvent nous fantasmons sur un artiste qui nous fait rêver...
Pourtant le rêve appartient, selon moi, plus à la réalité que le fantasme.
La chanteuse Bjork avouait un jour aux journalistes ne pas comprendre les paparazzi cherchant à obtenir une photo d'elle prenant son petit-déjeuner alors qu'elle était tellement plus intime sur scène devant son public...
Où commence la sincérité et où finit l'apparat ?
En réalité, l'artiste n'a pas vocation à paraître. Il a vocation à donner à voir.
Voilà toute la différence.
DONNER À VOIR
Tandis que je me rendais au studio de France 3 pour y tourner un bref passage dans l'émission La Boîte à Secret le mois dernier, je réalise la frontière entre artifice et magie.
Propulsée dans ces décors dignes d'un Disneyland, mon coeur se sert et mon visage se crispe. À l'inverse, entre deux bougies, chez moi, devant n'importe qui, je me sens à l'aise de partager ce qu'il y a de plus précieux au monde : mon art.
Mais il est possible aussi d'être intime devant cinq mille personnes et d'être au plus proche de son âme tout en portant des paillettes, des talons hauts et du maquillage. À l'inverse, un corps nu ne garantit pas, en soi, le dévoilement.
Le maître spirituel Osho expliquait combien les corps, depuis toutes ces années où nous nous serions coupés de notre part sacrée, pensent si souvent être intimes lorsqu'ils se rapprochent dans leur nudité alors qu'ils ne restent qu'à la surface. À l'inverse, il est des rencontres où la mise à nu est radicale. Et de quelque rencontre dont il s'agisse, y compris avec ce qu'on nomme "l'invisible". Parfois une seconde...
En vérité, la véritable intimité commence là où s'ouvre le sacré, en Soi. Je ne parle pas de monuments religieux ou d'édifices grandioses. Je parle du sacré dans ce qui nous fait instinctivement prendre soin d'un être cher sur son passage de la vie à la mort. Celui qui, même inconsciemment, nous fait prendre conscience à minima de notre enveloppe corporelle et de notre dimension spirituelle. Sinon, nous ne continuerions pas à nous réveiller chaque jour pour découvrir ce que ce monde appelle en nous...
DE L'EXUBÉRANCE AVANT TOUT !
Alors, que fait un artiste sinon rappeler ce sacré en nous ? Que fait-il d'autre que recréer les conditions parfois oubliées pour se retrouver à l'endroit de sa plus grande et belle intimité ? Il n'est pas question ici de beauté esthétique ni de grandeur hiérarchique. Mais du sentiment qui nait en nous lorsque nous revenons, paradoxalement, au plus petit dénominateur commun. Je parle de ce qui nous relie de manière universelle et nécessaire à ce qui nous dépasse, sur un plan, mais dont nous sommes bien une partie évidente.
Alors, à cet instant, le coeur sourit. Il prend conscience de la vie, de son miracle ! Qu'y a-t-il d'autre ?
L'on peut bien être habillé, nu, apprêté ou en retrait... Ce n'est pas cela qui nous "met à poil".
Je crois que c'est la paix, en soi, de toutes ses parts, d'ombre et de lumière, qui nous permet de nous offrir au monde et d'en transmettre le reflet, par rebonds, avec ce qui nous environne.
C'est en cela que je ne connais pas de meilleurs chemins que l'audace, que l'exubérance, celle d'aimer assez le Créateur en soi, pour permettre au monde de l'aimer.
C'est alors que l'artiste nous le rappelle, je crois, en n'importe quelle circonstance...
Et que l'on soit habillé ou nu n'est pas la question. En ce mois de février, celui des amoureux, je me demande surtout en quelle mesure il est possible de s'aimer assez, c'est-à-dire d'aimer la Vie telle qu'il est possible de la voir dans sa plus pure nudité : le miracle !
De tout mon coeur,
Hélène Tysman
Copyright Lou Sarda©️
Comments