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DIEU HYPNOS

  • Hélène Tysman
  • 27 oct.
  • 6 min de lecture

 

Tout au long de mes concerts, j’ai toujours eu ce sentiment que l’acte de jouer en public ne se résumait pas à interpréter une œuvre. Je comprends tout à fait ceux qui préfèrent y voir un musicien au service d’une partition et rien d’autre. Car j’ai exploré aussi cette posture. Et il n’y en a pas une plus vraie que l’autre. Et j'aime à dire que le curseur juste est toujours celui qui nous donne le sentiment d'être vivant. alors je parle depuis mon expérience personnelle. Or clairement, depuis le début et jusqu’à maintenant, transmettre de la musique est pour moi synonyme de magie à travers la scène, les lumières, l’énergie d’un groupe. Auparavant je ne savais pas y poser de mots et subissais plus l'agitation que cela suscitait intérieurement qu’une conscience nette.


Comme un psychothérapeute fraichement sorti de l’université sait tout sur tout en matière théorique et se retrouve soudain face à un être humain, le delta entre ce que l’on croit maitriser et ce que l’instant propose de créer, semble vertigineux. Il n’y a pas d’écoles pour cela. Pas de diplômes, pas d’équivalences d’acquis d’expériences. Les chamans vous le diront : personne ne va vous labéliser chaman – ni artiste. Encore moins magicien ou explorateur ! Car ce sont des destinations où l'on se rend par soi-même, l'audace sous le bras et la sensibilité à fleur de peau.


Alors revenons un instant sur le point commun entre un hypnotiseur et un musicien.


HYPNOS


L’un et l’autre utilisent exactement le même outil, le saviez-vous ? L’imagination, certes. Mais pas seulement. Ils sont, à mes yeux, des facilitateurs du voyage. Ils vous remettent un passeport avec lequel vous allez pouvoir lâcher un endroit pour accéder à un autre et ainsi de suite jusqu’à arriver chez vous. Le vrai « vous ». Cette sensation unique, qui n'a pas de nom, pas de localisation, pas même de temporalité.


N’est-ce pas là l’acte thérapeutique s’il en est ? Combien d’entre nous nous sentons délivrés de tout mal, toute tension, toute peur, dès lors que partout où nous allons, nous nous sentons « chez nous » ?


Dans la mythologie grecque, le Dieu Hypnos est celui qui reste éveillé tandis que les autres dorment. Et pendant que l'agitation de la ville peu à peu s'endort, lui se promène.

 

Scientifiquement l’hypnose, ce changement d'état de conscience, correspond au passage d’une fréquence d’ondes cérébrales à une autre. La région consciente de notre cerveau s’appelle le neocortex. Elle nous permet d’analyser, comprendre, réfléchir. Elle nous donne cette sensation (totalement illusoire !) de pouvoir contrôler un peu notre environnement, ce monde que nous voyons, cette vie qui bouge. Grande illusion ! La région du cerveau limbique, elle, rassemble justement les informations subconscientes : émotions, imagination (et automatisation de ce qui a intérêt à ne plus être réfléchi). L’état d’hypnose commence ainsi là où la région limbique s’active, c’est-à-dire là où la fréquence passe des ondes Bêta (pensées quotidiennes) aux ondes Alfa, Thêta, Delta et parfois même Gamma (éveil total, état extatique, supra-conscience, visions).


LA TRANSFORMATION EST UN VOYAGE

 

L’hypnose, c’est donc voyager à travers l’esprit à l’aide d’un changement de fréquences d’ondes cérébrales. Comme une radio, selon sa fréquence, elle ne captera pas la même information. Imaginez être tous les jours sur une même fréquence radio car vous la connaissez, elle vous est familière et pour x raisons vous avez décidé qu’elle était la plus favorable à être écoutée. Puis un ami arrive chez vous et tourne le bouton pour, après moult grésillements, laisser résonner d'autres voix, sons et musiques que vous n’aviez pas l’habitude d’entendre. Comme c’est votre ami, vous vous sentez suffisamment en sécurité pour accepter ce changement d'informations. Et peu à peu cela enclenche un autre rythme dans votre manière d’écouter, parler, gesticuler. Peut-être êtes-vous plus calme, plus lent, plus curieux ou introspectif. Vous devenez conscient de vos émotions, de vos sensations.

 

C’est exactement cela une séance d’hypnose. Et ce n’est pas différent lorsqu’un artiste agit sur les fréquences d’une salle pour amener un public à explorer son propre univers imaginatif. J’ai longtemps eu une certaine idée de l’imagination : totalement faussée. Sans doute influencée par un concept du siècle des lumières, je pensais l’imagination faible et la raison plus haute. Or, vous en conviendrez, cela n’a aucun sens ! Combien faut-il de subtilité et de talent pour accéder à son imaginaire ? Combien a-t-il fallu d’imagination à Einstein et tant d’autres visionnaires pour élaborer les plus grandes prises de conscience de notre humanité ?

 

Maintenant laissez-moi aller juste un peu plus loin.


VOUS ÊTES VOTRE PROPRE RÉFÉRENCE


Puisque nous parlons de vision et de création, je vais encore une fois utiliser mon parcours de pianiste pour, qui sait, inspirer votre lundi. Tandis que j’étudiais à Vienne et à Hambourg avec la plus grande intensité (je venais de finir mes études au conservatoire supérieur de Paris mais avais la sensation d’être encore bien loin de mon idéal), je travaillais des journées et des nuits entières. En vérité il y avait une œuvre qui recelait pour moi l’essence de tout et elle m’apparaissait aussi stimulante qu’inaccessible. Les 24 Préludes de Chopin. Comme un Himalaya, cette œuvre de 40 minutes vous donne la sensation de devoir y plonger une vie entière sans savoir si vous parviendrez un jour au bon endroit. En réalité, cette œuvre gigantesque m’excitait d’autant plus que je ne trouvais aucune interprétation « référence » qui me satisfasse. Cela redoublait ma sensation d’inaccessibilité. Pour les autres œuvres, le plus souvent, j’avais entendu d'autres pianistes en disque ou en concert dont la version, la proposition, m’inspiraient. Il existe tant d'illustres maîtres avec des visions extraordinaires. Sans vouloir copier bien sûr, je m'avouais convaincue. Pour les Préludes : rien. Même parmi les plus grands. Jamais je ne trouvais les 24 réussis chacun et dans l’entièreté de l’œuvre. Cela aurait pu m’inciter à revoir mes attentes. À changer ma vision. Pire, à me décourager. Ce fut tout le contraire ! Je n’ai jamais été aussi connectée au  « pourquoi » jouer une œuvre que cette fois-là. Parce qu’à mes yeux (et à mes oreilles), il n’existait pas encore « la » version. Que je puisse la créer ou non n’était même pas si important. C’était de savoir qu’elle existait quelque part, dans un champ quantique, qui me faisait trépigner de l’entendre. Donc de la travailler. Plus tard, cette manière de penser m'est restée, même pour d'autres oeuvres. Rester accrochée à ma vision quand bien même - et surtout ! - s'il elle n'existe pas...

 

Je repense à cette période lorsque je doute d’un élan en moi.

 

Il n’y a rien de plus rassurant et naturel que de ne pas trouver d’équivalent à ce que l’on cherche ailleurs qu’en soi. Mais parfois l'on se sent démuni, déçu. Ou fou ! La peur d'être à côté de la plaque, comme on dit, prend le dessus.


Or le propre de l’artiste précisément est de permettre une vision que personne n'a eue. Forcément puisque personne d'autre n'est vous. Peu importe de quoi il s’agit. Ce n’est jamais le « quoi » mais le « comment ». L’histoire que vous vous racontez à propos de ce que vous avez fait ou voulez faire. À propos de ce que vous croyez de vous-même.


Personne n’a osé admettre cela ? Personne encore capable de l’assumer, de l'envisager ? Super ! C’est que vous êtes celui ou celle qui possède cette vision. Mieux, vous avez réussi à capter cette fréquence d’informations, alors réjouissez-vous. Et célébrez-le. Plus vous le rayonnez, plus d'autres font titiller le boutond e la radio jusqu'à arriver à votre fréquence.

 

Et si cela ne correspond avec rien de ce que vous voyez pour l’instant, tant mieux. C’est bon signe. Vous sortez des rangs de « slides instagrammables » ou de photos agréées par des algorithmes du moment. À condition que vous soyez portés par ce que vous, vous avez envie de voir, et que cela vous procure ce sentiment de joie, alors c’est précisément ce qui est vital, nécessaire. Et ce qui, sans aucun doute, en inspirera d'autres, non pas tant pour l'objet mais votre croyance en cet objet. Qu'une seule personne ait cru en cela, elle ouvrira des temples aux autres...

 

Explorant ces 24 Préludes de Chopin, je me suis explorée moi-même. Étonnamment je n’ai jamais autant eu la sensation de revenir aux notes, au squelette même de l’intention d’une harmonie, d’un rythme. Je me sentais m'absenter de moi-même pour me dissoudre entièrement et tenter de laisser émerger ce que je voulais tant entendre. Ironiquement je n’ai jamais autant reçu de louanges des critiques mentionnant la personnalité et l’originalité de cette interprétation. Ainsi, cherchant de plus en plus à être authentique, transparente, j'étais moi-même et cela m'a conforté dans l'idée que c'est cela précisément qui est bénéfique : être soi.


Lorsque vous avez parfois l'impression que le monde vous percute à la figure, vous blâme... c'est peut-être une manière maladroite, détournée, de vous inciter laisser encore tomber d'avantage de votre masque pour être vous-même. Ce n'est pas vous qui étiez visé, c'était votre masque.

 

Ainsi l'artiste est comme l’hypnotiseur : il voyage et permet aux autres de voyager dans leur propre univers. Et cela nous aide à sortir de croyances négatives, de cadres érigés par un néocortex limité. Nous réalisons alors que nous pouvons passer d’une fréquence à une autre, de l'analyse à l'imagination et vice versa, et que c’est cela précisément qui est notre œuvre. À chaque instant en ré-interprétation.


Si vous ne trouvez pas ce à quoi vous aspirez, créez-le. C'est votre mission de rendre visible, accessible, ce qui ne l'est pas encore.


Si vous ne trouvez pas de phare, c'est vous êtes le phare. Votre propre référence. Et pour le savoir, il n'y a qu'à écouter votre propre radio intérieure... écoutez ! Et tournez le bouton pour capter d'autres vibrations. Elles sont toutes là, en vous.


De tout coeur !


ree





 
 
 

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