"Un artiste, c'est un enfant qui a survécu."
Survivre, est-ce vivre plus encore ? Ou vivre à peine ?
Il y a tant de raisons de se sentir abusé, impuissant, rageur, fini, épuisé ou abandonné sur le parcours d’une vie. Tant de raisons de se croire perdu ou de croire avoir tout perdu, d’être désespéré face à l’insensé - pire ! - face à la vacuité en toutes choses…
Sur-vivre sans devenir définitivement crispé, fermé, résigné ou désabusé est un parcours. Initiatique. Un voyage !
Comme Ulysse, nous partons pour revenir. Jamais complètement pareils ni tout à fait différents. En musique, la forme « aria » et la forme classique dite « sonate » utilise ce schéma : exposition (du ou des thèmes) - développement - ré-exposition. Et en effet, le retour aux thèmes se présente toujours un peu différent, si ce n’est dans la partition en elle-même, forcément dans l’interprétation du musicien ayant traversé le noyau central de l’œuvre.
À mesure que j’accompagne des hommes et des femmes en séance d’hypnose, j’observe la similitude entre ces formes d’art et de vie. Un conte de fée, une histoire hypnotique et métaphorique, c’est presque toujours l’idée d’un héros qui part vers ce qui va le confronter pour le dépasser, s’en libérer et vivre plus encore au retour de cette expédition.
Nous sommes, chacun, le héros de notre vie.
Quoique nous pensions, ressentions, fassions.
Parfois, ce sont de grandes aventures, pas si périlleuses. Souvent de minuscules, mais qui nous arrachent pile au cœur de nous-même. L’exploit n’est pas toujours un tour du monde. Pour certains, ce sera d’être sorti de sa maison, au sens littéral comme au figuré. Quelques instants… Ou alors, ce sera, au contraire, d’être entré dans sa maison - intérieure. En soi. Par tous petits gestes. Inaperçus. D’y avoir scruté ses démons ou ses malices. D’avoir osé aimer ou être aimé. D'avoir fait confiance, de s’être rencontré, puis d'avoir été déçu et d'avoir été face à ses propres ombres. Les plus lâches. Les plus dures. Certains veulent un marathon pour se prouver l’accomplissement. D’autres cherchent le lâcher prise… Bref, oser être heureux. Facilement ou impétueusement. Envers et contre tous les dragons de notre inconscient. C'est de ce chemin-là dont je parle.
Or si la forme de la quête diffère, j’ai de plus en plus la sensation qu'elle se meut à travers une sorte de grande forme sonate dans nos vies. Car, ne revenant jamais vraiment à l’endroit initial, nous revenons beaucoup plus loin. Plus profondément. À cet endroit se trouvent nos origines. Notre origine. Pas celle de notre carte d'identité. Non, celle de ce qui appartient au silence, là où seule la vérité pénètre, accompagnée de nos âmes. Je crois, oui, que nous nous élançons toujours vers notre origine. Fut-ce par des détours, pour mieux s'en rapprocher.
Ainsi, le développement sera à la hauteur du thème – ou des thèmes – abordés dans le premier temps de l'oeuvre.
L'art du développement.
Beethoven était le génie absolu pour faire d’un thème d’à peine trois notes le plus grandiose des développements ! Il nous a montré comment, avec le strict minimum de ce qui s’apparenterait à un thème, il est permis de croire à l’infini.
D’autres compositeurs seront plus succincts dans le traitement du développement mais plus soigneux sur le thème de départ.
Quoiqu'il en soit, c'est l'instant magique où les thème(s) s’égarent, modulent, se déconstruisent pour mieux se reconstruire. Ils se cherchent afin de se connaître. S’évadent puis se retrouvent. A la fin, une sagesse… l'air de rien. Quand les batailles ont été traversées, que les rencontres se sont faites, riche de tout cela, l’on revient à une simplicité qui touche au cœur comme le souffle d’un vieillard à peine différent d’un nouveau-né.
Lorsque l’on parle de « développement personnel », au fond, n’est-ce pas cela, notre destinée ? Le thème n’agit pas volontairement, il se laisse agir, à travers ce qui vient le confronter ou le sublimer. Le faire rire ou le bouleverser. Juste des labyrinthes de développement, des éclaboussures d'allées et venues, des plongées et des élévations... En le vivant consciemment, nous touchons alors à ce que l'on nomme « spiritualité ».
En hypnose thérapeutique, il y a un protocole qui se joue, lui aussi, en trois temps. On le nomme, un peu barbarement, « mise entre parenthèse » ou « purge émotionnelle ». Ce jargon qui permet uniquement d’en apprendre le concept, décrit ce passage en trois étapes qui consiste à partir d’une ressource suffisamment positive en soi pour traverser sa pire émotion (potentiellement traumatique) et d’en ressortir. Vainqueur. Non pas qu’il s’agisse d’une lutte. Mais d’une traversée. D’une libération.
Cette « valse » à trois temps apprend à notre inconscient qu’il est possible d’aller au-delà, de l’autre côté de la rive et d’être toujours vivant. Même plus ! Sur-vivant ?
Alors tout est permis. Tout est ok.
Voilà le chemin que, dans notre fort intérieur, nous connaissons. La carte routière inscrite dans notre ADN. Une partition, voilà tout. Celle qui nous permet de développer ce qui est là, pour être transfiguré, transcendé, transformé. Transgressé ! De la matière, c'est, avant tout, une pâte à modeler. Un thème à moduler. Du dehors, on serait presque tenté de se dire que rien n’a bougé. Mais en s’approchant de plus près, tout y est différent. Une vie.
Le développement personnel, c'est justement ce qui permet d'aller au-delà de la « persona ». Amalgame des termes. Cheminement de chacun. Qui suis-je si je ne réponds plus pareillement aux mêmes événements ? Qui suis-je si je ne suis plus tout ce que je croyais être ?
Une histoire d'Hommes.
Peut-être venons-nous vieillards au monde, habités de cette sagesse ultime qui fripe nos visages quand ils paraissent au monde. Alors nous nous attelons consciencieusement, courageusement ou maladroitement, mais toujours sincèrement, à donner du souffle à cet enfant qui grandit, par-delà les traces, les brisures ou les fracas. Pour s’élever au travers de ses cicatrices. Pour voir plus loin. Et recevoir plus grand encore !
C'est l'enfant qui grandit et qui trébuche, celui-là qui est grondé et gronde en retour, jouant à l'adulte sans savoir vraiment ce qu'il est. Celui-là encore qui, cherchant sa vérité, parfois rechigne le guide qu'il rencontre. Le corps évolue et, comme une forme sonate, se croit perdu, trop égaré, ou bien fini…
Ce n’est qu’une illusion ! La révélation de cette gigantesque illusion. Il fallait bien s’aventurer à travers ce monde pour se trouver en soi, dans le cœur, tout près. Oser se dire qu’on s’aime à soi dans la simplicité des gens qui prient au coin d’une église. Là où, enfin, il n'y a plus rien d'autre que sa propre conscience pour se retourner sur elle-même.
L’au-delà, c'est ce qui se trouve en-dedans.
C’est ainsi que se forme, se déforme et se reforme une sonate. Même en partition, elle se ré-interprète et se recrée, perpétuellement. Les thèmes, tour à tour joyeux ou tristes, sont ceux de notre épopée à nous. Ils nous apprennent que la lutte contre soi est un combat perdu d’avance ! Mais qu'il est permis de plonger dans le grand bain. Que l’origine pointe toujours son nez à l’horizon devant nos yeux. Et que cet horizon n'est là que pour être dépassé.
Alors revient ce thème, originel, comme le rire d’enfant avec un cœur qui a aimé, aime et aimera. Toujours. Car c'est ainsi. Soit-il.
À chaque goutte de l'océan,
À chaque artiste de cette planète,
À chaque créateur de sa destinée,
Et puisque la note dite sensible est, au final, la plus puissante de toute la gamme, je vous souhaite un mois de juillet sur le chemin de ce que vous aurez envie d'être.
Pour la vibration de votre âme !
Hélène Tysman
Photo crédit Lou Sarda ©
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