Si l'on me demandait qu'est-ce que la musique, je répondrais : "un hommage au silence".
Ce matin, une cliente vient me consulter en hypnothérapie. En difficulté dans un processus de deuil suite au décès de sa maman, elle semble soudain s'évader, comme perdue, lorsqu'elle évoque le sujet de l'absence, de la perte...
Elle me fait penser à ces silences en musique. Ces points de "rupture". Et, au fond, ces respirations. Parfois l'indication d'un point d'orgue au-dessus de la note signifie de la laisser résonner jusqu'au bout. D'autres fois, une indications signifiera de lâcher directement la note, comme pour mettre en valeur le silence qui s'en suit. Beethoven était particulièrement habile pour mettre en valeur, non seulement l'attaque d'une note mais également sa résolution. À quel moment arrête-t-on ? Et de quelle manière ?
Les silences sont nécessaires. Mais les écoute-t-on vraiment ou en a-t-on peur ?
Un grand musicien, selon moi, maitrise autant le début que la fin d'une note. Car, de sa fin, dépend toute la suite... Une fin n'est qu'une invitation à un recommencement, une renaissance. La note qui s'en suivra débutera selon la manière dont la précédente s'est achevée.
Mozart disait, lui, que ce ne sont pas les notes qui comptent mais ce qu'il y a entre les notes. Et l'on serait vite tenté de dire que dès l'instant où s'installe le silence, alors le lien n'existe plus. Est-ce vraiment le cas ? Nous qui remplissons notre société de sons multiples à en oublier le souvenir du silence... Je crois que nous oublions juste, parfois, la musique du silence. Or, comme la musique met en valeur le silence, il se pourrait bien que le bruit, mette, lui aussi, en valeur, notre silence intérieur. À nous de le découvrir, c'est-à-dire d'en enlever ce qui le couvre et le recouvre.
Dans la Bible, il est dit que lorsqu'un disciple demanda à Jesus ce qu'est la vérité, il ne répondit rien d'autre que le silence. En réalité la réponse était que toute la vérité se contient dans le silence.
Êtes-vous à l'aise avec vos silences ?
Tant d'hommes et de femmes m'avouent en cabinet, tantôt faire l'expérience de doutes, tantôt du chagrin ou de la déception... Et soudain, après un cheminement hypnotique, ils découvrent qu'ils éprouvaient, en réalité, les contours de ce qui était, profondément, en eux : par relief ou par contraste, l'on vient parfois se faire vivre l'absence pour se rappeler, de manière intangible, le goût de la présence.
Paul Eluard disait "je ne sais plus, tant je t'aime, lequel de nous deux est absent".
S'absenter, c'est paradoxalement faire l'expérience de la plénitude. Les plus éveillés, ou les chamans, mettent parfois leurs plus beaux habits de cérémonie... pour s'absenter. En réalité c'est ce qui couvrait la vérité qui s'absente, pour laisser place à ce que certains nommeraient l'Esprit et d'autres la Vérité ou la Conscience. Et lorsque, soudain, c'est l'Autre qui nous semble absent, alors nous est demandé si nous avons conscience d'être réellement "complets". Cette complétude qui est la racine du mot "shalom" en hébreu et qui serait, alors, source de paix.
J'ai en moi de plus en plus la sensation que ce que nous aimons le plus nous donne parfois l'illusion de s'éclipser, pour s'en rappeler autrement, différemment. Plus intensément ! Un voyageur part à l'autre bout du monde pour mieux savoir qu'il est tandis qu'un casanier sort de son tiroir une carte postale exotique pour voyager, un instant, "hors de lui".
C'est en ce 1er mai que me vient cette inspiration que je vous partage, ce jour où collectivement nous sommes "au repos". Paradoxalement, le public que je reçois, ce jour, a l'espace pour voir le bruit ou l'agitation qui lui sont devenus épuisants. Juste le temps de respirer, pour poursuivre sa phrase musicale. Sans respiration, pas de musique !
Je pense aussi à tous ces artistes qui s'inquiètent dès qu'une période sans engagements arrive, sans concerts, sans demandes de représentations. Or, être à l'aise avec le vide, c'est être prêt à vivre le plein.
En entendant le bruit des vagues, je me rappelle qu'elles reviennent, incessantes, sur le rivage et repartent, qu'il y ait - ou non - des spectateurs observateurs. Présent ou absent, ce qui demeure est cet élan. On l'appelle Vie. Et il se joue en cycles, en phrases, par disparitions comme (ré)apparitions.
En ce jour du muguet, à l'orée du printemps, je vous souhaite les silences et je vous souhaite les musiques... tout ce qui caresse et renaît, perpétuellement, à l'oreille de votre coeur !
Hélène Tysman
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