Connaissez-vous cette petite musique qui en vous résonne telle une empreinte ADN ?
Quand on écrit, il y a toujours cette petite musique-là. Les peintres diraient la couleur, les sculpteurs parleraient de texture… Ce que je sais, c’est que lorsque l’on s’y connecte, elle vous chante qui vous êtes et récite d’où vous venez comme où vous allez. Paradoxalement ce ne sont pas des mots ni des notes. C’est une vibration. Celle du silence - ou du vide. Car nous sommes cela. Vides. Pourquoi chercher sans cesse à le remplir, à se contenir de toute chose, puis à réaliser qu’il est lourd ce que nous portons en nous depuis des siècles ? À se faire croire qu’on ne peut plus en changer de cet air-là, que la chanson tourne en rond… Au contraire, lorsque nous embrassons l’origine de l’origine, là où Tout est Rien, la vie peut éclore. Cela ressemble au silence, car c’est du silence qu’éclôt toute chose. Et la nature de l’homme est ainsi faite qu’elle aime à se rapprocher de l’origine de tout.
Pour revenir à cette mélodie de notre cœur, certains voyagent, d’autres font des gâteaux, d’autres encore jouent, dansent ou méditent. Il y a ceux qui écrivent, ceux qui lisent ou d’autres qui interprètent. À chaque maître son accès. Étonnamment c’est parfois cet endroit-même qui nous fait peur. Car il nous ressemble. En grand format ! Mais il ne ressemble pas à nos costumes, il ressemble à notre peau, à nos cellules, au souffle de nos poumons. Comment ne pas tomber en amour ? Il faut entrer par l'inconnu pour recevoir la grâce.
Entre l’hiver et le printemps, il y a cet instant un peu étrange où une force silencieuse semble surgir de nulle part. Une fleur, puis deux… puis c’est la symphonie entière ! Mais d’où venait-elle donc ? En nous, comme dans la terre, le temps n’y fait rien. C’est la quantité et la qualité d’informations qui se transmettent – visibles ou invisibles à nos sens - qui est au cœur de tout processus.
Comme un adolescent est un peu effrayé quand soudain son corps semble prendre de proportions qu’il n’avait pas envisagé, l’élan nous pousse à être comme la vie sur chaque pousse d’herbe. Elle nous dit que là où il y a conscience, il y a confiance. Le printemps est ce temps merveilleux où j’aime m'assoir des minutes entières observant une feuille verte, sa composition, sa perfection puis son unicité par rapport à celle juste à côté apparemment semblable mais si spéciale…
"Intérieurement activement passif, extérieurement passivement actif". Arnaud Desjardin
Ce que la nature nous raconte est que ce mouvement que l’on croyait réservé aux artistes, est en réalité la condition même de toute vie. Aimer et créer ne sont que des synonymes. Sans nous en apercevoir, nous créons en permanence, malgré nous, et nous recréons. Nous mourons puis nous renaissons, comme le mouvement de la respiration. Nous sommes les artistes de la vie. Croire qu’il n’y aurait qu’une mort en fin de parcourt est aussi illusoire que de croire à un début et à une fin dans ce qui nous semble être un surgissement.
La fulgurante immanence... Lorsque nous sommes connectés à l’alpha et l’omega, il n’y a ni avant ni après, ni lenteur ni vitesse. Cela est. Et cela nous dit que l’instant est aussi proche de l’éternité qu’un brin d’herbe l'est du sol.
On dit que les amoureux souvent ont une chanson de leur amour. Qu’en est-il de celle de notre cœur, immuable, impassible ? Elle vient résonner quand tout s’éteint, comme à la nuit tombée où les lampadaires se révèlent dans les rues. Quand tout s’éteint, l’on comprend que le monde n’est pas comme un interrupteur - actif ou en arrêt - mais comme le fourmillement perpétuel d’une étincelle, aussi minuscule fusse-t-elle ou aussi grandiose et vertigineuse nous apparaisse-t-elle. Là où nous nous croyons mort est en réalité le début de toute chose.
Quand un musicien part en quête d’un son, il part faire silence. Car il n’y a que cela qui contienne tout. Toute vérité. Le cosmos et la goutte de pluie. Le chant des arbres et le cri d’un étourneau. Le rythme de la terre au son des battements de notre coeur. Et jusqu’à cette petite musique en nous… la mélodie du bonheur ?
Moi je crois qu'on ne vient jamais écouter les oeuvres d'un musicien, voir la technique d'un thérapeute ou manger le riz d'un risotto quelque part. Non, on vient écouter la vibration de leurs auteurs, ce qu'ils sont fondamentalement, de la pointe de leurs cheveux jusqu'à la plante de leurs pieds. Et nous y allons pour entendre l'écho de notre propre musique. Celle dont il est impossible de se détourner. Comme les miracles !
Le célèbre sage indien, Rumi, disait : « laissez-vous être silencieusement attiré par la force étrange de ce que vous aimez vraiment. Elle ne vous perdra pas. »
Je vous souhaite un merveilleux et enchanteur mois d’avril !
Musicalement,
Hélène Tysman
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