La phrase que l'on prête à Churchill quand il refusa de prendre le budget de la culture pour l'allouer au budget de la guerre en déclarant "sinon, pourquoi nous battrons-nous ?", est plus qu'une phrase.
Quand je vois la mise en scène d'une politique qui ne jure que par la croissance en ayant perdu son sens, je sais que l'art, à l'heure où nous aurons fini de tout détruire, n'en sera que plus incontournable. Je ne parle pas de l'art comme d'une valeur ajoutée en période d'ennuis, ni même d'une décoration agréable dans un environnement éteint. Non, je parle des fondements-mêmes de notre existence. De ce qui différencie l'humain d'une machine. Cette frontière de plus en plus ténue... Paradoxalement elle nous mène vers l'essentiel, ce plus petit dénominateur commun : fin, subtil, impalpable, inaltérable. Quoiqu'on en dise, il y un monde entre la conscience humaine et la plus perfectionnée des machines.
Mais qu'est-ce ?
Certains disent que ce qui nous différencie des robots est l'intuition. Je n'en suis même pas sûre tant la technologie se déploie de manière colossale. En revanche, il y a un endroit du vivant qu'aucune machine ne saura jamais atteindre de près ou de loin : l'amour. Je ne prétends pas que les humains sachent aimer ! C'est peut-être même le sujet le plus contradictoire de nos existences. Qu'est-ce donc que l'amour ? Même sans le savoir, il semble nous animer chaque jour, d'une manière ou d'une autre. Aimer sans raison. Aimer parce que l'inverse, quand il perdure, est un cauchemar.
Cette impalpable vibration n'est pas un sentiment, comme le décrivait si bien Christiane Singer. Cela n'a rien d'une humeur ou d'une opinion. C'est la substance-même de la Vie. Cette substance que nous sommes. Pour autant, nous pouvons bien détester, haïr, être énervés, en avoir marre... Cela ne change rien à notre substance fondamentale.
Alors pourquoi l'art ? Pourquoi la musique ?
Ni religion, ni science. Ni irrationnel, ni rationnel. Ni raisonnable ni futile. Nous pourrions définir la musique par mille aspects qu'elle n'est pas. Comme la plus insaisissable des vérités, elle nous rappelle à voir au-delà de nos croyances.
On dit que la musique est bonne pour la santé. C'est qu'elle permet, selon moi, de maintenir le coeur ouvert ou de le rouvrir quand il risque à se fermer trop longtemps.
Voilà le véritable danger. La menace à chaque coin de rue !
Se coupant de son coeur, nous nous coupons de notre pouvoir, de notre intuition, de notre santé mentale ou physique, de l'Autre et de soi, donc de la vie... Bref, soudain l'on voit un monde désabusé, mécanique, sans intérêt. Comme le virtuose qui se coupe de son élan pour apprécier l'agilité de ses mains, la machinerie ne sera jamais assez grande pour nous satisfaire. L'ennui pointera son nez et, pire, ce vide que nous tentions tant de fuir ! Plus grand encore, plus submergeant... Aucun divertissement ne sera suffisant pour éviter l'effondrement.
À certains qui se demandent comment créer la vie de ses rêves et qui cherchent la bonne stratégie, fut-elle extérieure, telle un business plan, ou intérieure à l'image des lois de la manifestation véhiculées par le courant New Age, je dis que ce n'est ni l'un ni l'autre.
C'est l'histoire d'un jardin !
Une fois les graines plantées, il y aura tour à tour du soleil, de la pluie, des tempêtes ou des sécheresses. Mais si à la moindre déception nous cessons de nous occuper de notre jardin, alors il mourra. Logiquement. Ce ne sera pas de la faute de la tempête ni celle de notre optimisme ou de notre pessimisme face à elle. Ce sera tout simplement parce que nous n'avons pas jardiné ces jours-là.
Alors, comment garder l'élan de jardiner lorsque l'on ne voit aucune évolution, qu'il nous semble même ne voir que des cataclysmes ? En sachant pourquoi l'on jardine véritablement. Ce n'est pas pour "faire" évoluer. Ce serait si restreint... Au contraire, il est question d'un infini !
En vérité, si selon la science quantique, les informations des champs de tous les possibles foisonnent à chaque instant, ce monde que l'on nomme "subtile" est sans cesse prêt à permettre le chemin de nos rêves. Alors pourquoi voudrions-nous lui prendre son job ?
Laisser faire la vie, sans savoir comment, c'est avoir tout loisir de s'occuper de son jardin. Cela nous est possible. Le reste est l'affaire de la vie.
Au lieu de s'interroger sur son degré de confiance en soi ou en la Vie, mieux vaut tout simplement s'occuper de son jardin ! S'en occuper, surtout sans autre but que celui de s'en occuper. Voilà l'acte créateur, voilà ce que l'art nous transmet. Inutile. Nécessaire. Soudain, l'on ne sait plus si l'on est dans le rêve ou la réalité, la vie sourit, l'on danse qu'il pleuve ou qu'il vente... voilà les cascades de joie et myriades de miracles qui surgissent !
À chacun son jardinage.
La musique, comme ce jardinage, s'occupe de panser les plaies pour ne pas les laisser se gangréner. Elle est l'antidote aux corruptions de soi-même, quand le corps se durcit et que le mental, agité, commence à nous mentir. Quand il est temps de retrouver le chant de l'âme...
Les musiciens sont comme ces chamans qui nous guérissent de nos noirceurs. Paradoxalement par des mélodies tristes parfois. Assez tristes pour crier plus fort encore avant d'en essorer le coeur. D'autres fois joyeuses pour se rappeler d'être heureux, sans pourquoi.
Le musicien, lorsqu'il est habité de sa musique en chaque cellule, en chaque atome, en chaque respiration, est de ces vieillards-enfants dont il est impossible de tordre le cou tant le cœur est resté pur. Les yeux clairs, translucides. Il est de ces voyageurs qui parsèment leur route du plus doux des parfums : celui de l’amour. Un amour qui traverse les rages, l’ombre et la nuit.
Inaltérable amour, infinie légèreté des anges.
Or ce musicien... est au creux de chacun de nous. Il n'existe pas un humain qui ne soit pas une mélodie, pas un battement de coeur qui ne soit un rythme.
Voilà que, décidant de prioriser notre ministère intérieur, nous pouvons choisir quel le sens de nos batailles s'il y en a, et peut-être même finir par baisser les armes tant l'harmonie nous happe, tant l'art nous rappelle l'alpha et l'omega de notre existence.
En ce mois de février, celui de l'amour,
Je vous envoie toute ma musique !
De coeur à coeur,
Hélène Tysman
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