J'adore l'utilisation de cette expression en fin de courrier, là où quelque décennies avant, il me semble qu'elle n'était pas tant utilisée. Certains en venaient même à caricaturer notre nouvel art de la communication, dénonçant les "vous souhaitant une bonne journée", "une magnifique journée" et "merveilleuse journée", à outrance !
Pourtant ce mot français, lorsqu'on l'écoute avec des oreilles d'anglophone, nous rappelle qu'une journée, c'est aussi un voyage : a journey.
Et qu'y a-t-il de plus vrai que de réaliser que nous sommes en voyage, perpétuellement ? Une journée est une transition entre hier et demain. Une vie terrestre est peut-être, aussi, une transition entre un néant et un infini. Au final, nous transitons, nous voyageons, nous sommes de passage. Des passants dépassés...
Qu'y a-t-il d'autre que l'exploration ? Cet art du voyageur que nous sommes. Il y a, en nous, cet aventurier courageux. Sinon nous ne tiendrions pas cinq minutes !
Le maître spirituel indien Sadhguru avouait ne plus être en accord avec une conception devenue frauduleuse de la science qui, partant de son origine, l'exploration, avait glissé dans notre utilisation : l'exploitation.
Et s'il était temps de revenir au sens profond de notre véritable être ?
Cette exploration.
Inutile, ni mieux ni moins bien. Sans objectif à atteindre sinon celui du chemin, l'exploration est l'art des curieux au sens noble du terme. N'est-ce pas là l'archétype de l'artiste, puisque l'art est avant tout un "moyen", un chemin, un art de...
Alors, soudain, il n'y a plus de drame, plus de tragédie. Car il n'y a ni défaite ni succès. Le pèlerin sur le célèbre chemin de Compostelle nous rappelle que sa richesse tient dans son voyage et non dans l'arrivée. Ce lieu dans lequel il parvient, s'il a été au bout de son pèlerinage, lui dit qu'il n'a de valeur que par le chemin qu'il a parcouru. Qu'il n'y a pas de "bout" justement. Ce lieu, en soi, n'est qu'un lieu parmi d'autres. Mais c'est le voyageur qui a créé son voyage. Sa route. Et il est une vérité que l'on réalise lorsque l'on vit ce genre d'aventures : peu importe où l'on s'arrête, fut-ce a priori à mi-chemin ou apparemment arrivé en bout de course, une étrange réalisation surgit, celle qui nous dit que le chemin jamais ne cesse. Une fois reparti dans l'autocar qui nous ramène à notre point de départ, une fois dans le train pour rentrer chez soi après ce grand périple, l'on réalise que là encore ce chemin continue. Il est celui de la découverte, du coeur, de l'esprit, du corps. Il est celui qui nous murmure, enfin, le sens de notre vie : être le créateur de ce sens ! Le créateur du chemin... Lorsque l'on part sur ce grand voyage, l'on ne réalise pas encore ce que l'on va découvrir de magique : "j'étais déjà sur le chemin ! Je n'ai jamais cessé d'y être ! Et je continuerai à chaque seconde d'y être !" Voilà la transcendante - et si simple - réalisation !
Alors la vie se révèle être une fête ! Et de la célébration d'un passage (d'un pas-sage) d'une année à une autre, l'on réalise que c'est chaque journée et à chaque battement de son coeur que se célèbre la Vie.
Les années qui arrivent me semblent déterminantes, c'est vrai. Elles nous interrogent, plus que jamais, sur le chemin qui est le nôtre. Non pas dans sa trajectoire. Mais dans la façon de l'emprunter. Car ce n'est que cela qui donne du sens à quelque quête qui soit la nôtre.
Il nous est alors demandé, profondément, si nous souhaitons continuer de vouloir exploiter, fut-ce un arbre, des atomes et jusqu'à un être humain, ou si nous sommes prêts à faire la paix avec nos peurs, nos tyrans, notre ignorance... celle d'un mental qui ne sait pas très bien à quoi servir. Et, comme lorsque j'accompagne ces hommes et ces femmes en séance, comme lorsque je l'observe chez moi-même, il y a cet instant d'épiphanie qui est celui où l'on réalise que tout était parfait et que nos pires bourreaux nous ont, en réalité, poussé vers notre plus profonde et lumineuse vérité. Alors cet élan à exploiter, à utiliser et à abuser, nous aura poussé à réaliser la valeur de l'exploration, celle de vivre sans chercher à saisir, celle comprendre sans chercher à prendre, celle de jouir comme un soupir qui inspire et qui relâche. Inutile, curieux, abondant, à l'infini.
À cet instant d'un minuscule mouvement, celui du soupir de la paix, en soi, c'est une immensité qui s'ouvre, inconnue comme l'Un que l'on connait déjà, c'est-à-dire que l'on découvre, au sens littéral du terme, perpétuellemement présent.
C'est ce voyage dont je voulais vous parler en ce premier de l'an.
La musique nous raconte des histoires, comme les conteurs des premiers siècles. Et étonnamment, la faculté de raconter des histoires nous permet de voyager au firmament de notre âme ou de sombrer dans nos drames personnels. Dans l'un et l'autre, il est toujours question d'histoire. Pour soigner ou pour aggraver.
À nous de reprendre le récit de notre véritable histoire, pas celle d'une Hélène ou d'un Jean-Paul. Non, celle de nos âmes, de l'Âme du monde !
Je vous souhaite une merveilleuse journée,
De ces journées dont le voyage sans début ni fin
Vous prend par la main comme le meilleur de tous les compagnons !
Belle année,
Hélène Tysman
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